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Election CSE SNCF 2022

Procès de Brétigny

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Procès de Brétigny

L’UNSA demande à la direction de tirer les leçons de Brétigny !

Procès de Brétigny

Charges de travail, injonctions paradoxales et responsabilité de l’encadrement…

La lecture du jugement qui vient d’être rendu dans le cadre du procès de l’accident ferroviaire de Brétigny nous a replongés dans un état de perplexité qui nous faisait écrire, en mai 2022, à la sortie d’une audience du tribunal d’Evry :

« Chaque jour, la mise en place à marche forcée de Maintenir demain et les appels à l’aide de collègues de la maintenance dont le poste est supprimé, le quotidien chamboulé… répondent en écho aux débats qui se tiennent à la barre et nous ramènent en arrière… Peut-on espérer un jour que la pression économique et financière cesse d’être la boussole unique de nos dirigeants ? »

Dans les conclusions que l’UNSA-Ferroviaire a rendues en tant que partie civile au procès, nous écrivions également :

« Plus grave, quel que soit le jugement rendu dans cette affaire, les causes-racines (…) ne seront pas traitées ou remises en cause. Le futur du système ferroviaire voulu par les dirigeants politiques repose sur l’ouverture à la concurrence, qui elle-même repose sur deux piliers :

    • la toute-puissance d’une vision financière et économique (…)
    • le dogme de la réorganisation permanente. On ne peut que constater une accélération du rythme et de l’ampleur de ces réorganisations qui organisent la désorganisation et la déresponsabilisation. Pour SNCF Réseau, un nouveau projet prévoit, d’ici 2026, des objectifs de réduction des effectifs par métiers inédits : -18,6 % pour la voie, -17 % pour les caténaires et la signalisation, -10 % pour l’entretien des ouvrages d’art et l’alimentation électrique, 250 postes d’encadrants supprimés dans les établissements.

Ce projet porte un nom : « Maintenir demain » (…) Son but est de supprimer les DPX et de créer des unités mixtes (…).

Ce sont les chefs de brigades (équipes) qui vont assurer le management des équipes sans posséder toutes les habilitations que possédaient les DPX. Ils vont se retrouver isolés car sans « chef » de proximité (DPX). Les dirigeants d’unités seront trop éloignés pour assurer le pilotage du quotidien. »

Or il y a, entre autres, deux enseignements à tirer du jugement rendu mercredi 26 octobre :

    • la relaxe du DPX Voie de Brétigny de l’époque. On ne peut bien évidemment que s’en réjouir, le jugement dit de manière assez claire et argumentée son « innocence » : 

« Outre que le BEA-TT a procédé à une reconstitution de la tournée afin de pouvoir juger de sa qualité, il n’est pas possible d’affirmer que (le DPX) n’a pas observé la TJD 6/9. Il a observé, notamment, la conformité du dispositif électricité. Par conséquent, eu égard au degré de précision des annotations qu’il a effectuées ce jour-là, il aurait noté, relevé et consigné une boulonnerie absente si tel avait été le cas. 

Enfin et comme évoqué dans la partie sur le désassemblage des éclisses, il n’est pas prouvé que le boulon qui occupait le trou n° 3 ait été effectivement absent le 4 juillet 2013. Et même dans l’hypothèse où ce boulon aurait été manquant, cette absence n’était pas suffisante, en elle-même, pour provoquer un déséclissage. Au surplus, ne pas relever cette éventuelle absence ne constituerait qu’une faute simple qui n’engagerait pas la responsabilité pénale de la personne physique. En conséquence, en l’absence d’élément probant et de faute caractérisée établie, (le DPX) sera renvoyé des fins de la poursuite. »

Après avoir été entendu en qualité de témoin assisté en janvier 2016, rappelons que le DPX a été mis en examen le 9 janvier 2019. Depuis cette date, c’est donc un homme qui avait le jour de l’accident 24 ans, 22 mois d’ancienneté SNCF et… 5 mois sur le poste de DPX Voie de Brétigny, qui a personnifié “la SNCF”, son incurie, son complotisme, son j’menfoutisme… aux yeux des victimes, de la presse, de l’opinion publique…  C’est lui, toujours, qui a vécu pendant huit semaines à Evry, partageant avec les parties civiles, les victimes, leurs avocats… les mêmes lieux (tribunal, hôtel, restaurant…) et subissant les regards de tous.

Or quand on voit avec quelle “rapidité” le procureur a requis sa relaxe en juin, quand on lit avec quelle netteté son innocence est reconnue par le jugement, on ne peut qu’être choqué par ce qu’il vient de vivre et estomaqué qu’aucun autre dirigeant de l’Infra de l’époque n’ait eu à répondre de ce drame. Et de s’interroger : à qui le tour ?

    • car le deuxième enseignement du jugement, c’est la mécanique retenue par le tribunal pour établir l’imputabilité des fautes retenues. 

Un rappel tout d’abord : pour retenir la culpabilité de la personne morale SNCF, le jugement a dû « établir si les négligences commises résultaient de l’action ou de l’inaction d’un organe ou d’un représentant de la société prévenue, éventuellement détenteur d’une délégation de pouvoir en matière de sécurité de nature à lui conférer la qualité de représentant de la personne morale. »

Or, après avoir rappelé qu’il était « patent que les agents de voie qui n’ont pas procédé au suivi du cœur n°11301, simples salariés et non titulaires d’une quelconque délégation de pouvoir, n’ont pas la qualité de représentants de la SNCF », que dit le jugement ?

    • Selon le référentiel IN 4480, le directeur de l’Infrapôle Sud Ouest Francilien est placé sous l’autorité hiérarchique du directeur du Territoire de production Atlantique.

(…)

    • Il est prévu dans le référentiel INFRA SOF RG 0002 intitulé « Délégations du DET aux missions de sécurité » que le directeur d’établissement délègue ces missions notamment aux dirigeants d’unité.

(…)

    • En matière de sécurité, selon l’INFRA SOF RG 0001 intitulé Management de la sécurité, le dirigeant d’unité organise le management de la sécurité qui est formalisé dans une consigne d’organisation qui précise la répartition des missions de sécurité entre le dirigeant d’unité, les assistants et les dirigeants de proximité. Il est en particulier responsable de l’organisation et du bon fonctionnement de la veille de 1er niveau.

(…)

    • En conséquence, étaient délégataires des pouvoirs en matière de sécurité, du président de la SNCF, les directeurs successifs de l’unité de production Voie Essonne Val d’Orge (UP EVO).

(…)

    • La SNCF n’a pas contesté, lors de l’enquête comme à l’audience, « la compétence, l’autorité et les moyens nécessaires » dont ce directeur d’unité devait disposer pour rendre cette délégation de pouvoirs valable et en faire un représentant de la personne morale (…) triple exigence, posée par le 3e alinéa de l’article 121-3 du Code pénal.

(…)

    • Ainsi, ont été identifiés les représentants successifs de la société agissant pour le compte de celle-ci au sens de l’article 121-2 du Code pénal.

(…)

    • En l’occurrence, cette négligence dans le contrôle du suivi du coeur n° 11311 depuis juin 2010 commise par les dirigeants successifs de l’unité de production Voie Essonne-Val-d’Orge, délégataires de pouvoir en matière de sécurité technique, est une négligence ayant contribué au déraillement qui a causé les décès et les blessures des personnes visées par les quatre préventions, sous réserve des rectifications évoquées lors de l’examen des conséquences du dommage. La SNCF devenue la SA Société nationale SNCF en sera donc déclarée coupable.

Autrement dit, la responsabilité de la personne morale SNCF ne repose pas sur le DPX… mais sur le DUO ! Si l’on est monté d’un étage, on n’est quand même pas bien haut dans la structure pyramidale de SNCF Réseau…

Et l’on peut supputer à loisir : si l’enquête judiciaire n’avait pas rattrapé par le col, en l’inculpant à la dernière minute, le DPX mais plutôt le DUO, celui-ci n’aurait-il pas été condamné ?

Dès lors et au risque de se répéter, il faut rappeler ce que prévoit « Maintenir demain » :

    • « ce sont les chefs de brigades (équipes) qui vont assurer le management des équipes sans posséder toutes les habilitations que possédaient les DPX  »
    • « Ils vont se retrouver isolés car sans « chef » de proximité (DPX) »
    • «Les dirigeants d’unités seront trop éloignés pour assurer le pilotage du quotidien »

Au vu de ce que vient de vivre le dpx de brétigny, étant donné que les duo sont pleinement reconnus « délégataires de pouvoir » en matière de sécurité – et donc potentiellement pénalement responsables ? – l’unsa ferroviaire, qui a toujours défendu l’encadrement, saura prendre ses responsabilités et continuera à se battre contre maintenir demain (en défendant pied à pied sa contre-proposition) et contre toutes ces réorganisations dans l’entreprise, qui posent pour principe que « l’encadrement suivra ».

Par Bertrand Declercq,

Expert fédéral juridique

Procès de Brétigny

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