La transition écologique

ISSU DU MAG DE MARS 2020 – Auteur Fred Porcel

Désolé pour les amateurs de viande, mais le barbecue annoncé le mois dernier doit attendre un peu. Le Bulletin of Atomic Scientists, groupe scientifique comptant treize Nobel, vient d’avancer l’Horloge de l’Apocalypse, imaginée en 1947 pour symboliser l’imminence d’un cataclysme planétaire se produisant à minuit. Elle évalue les risques de conflits et ceux liés au changement climatique. L’aiguille a été placée à minuit moins cent secondes.

Pendant ce temps, l’Humanité parade sur le Titanic, insouciante, sûre d’être la plus intelligente, la plus puissante. Invulnérable. Éternelle. Sauf que le choc avec l’iceberg a déjà eu lieu. L’eau s’engouffre déjà dans les cales. La proue s’enfonce déjà sous la surface. Pourtant personne ne réagit. Pendant que les passagers de troisième classe sont déjà confrontés à l’eau glacée qui inonde leurs couloirs – qui s’en soucie ? – en première les riches savent bien sûr, mais ne s’inquiètent pas, persuadés qu’une fois encore leur fortune suffira. Pendant ce temps, les classes intermédiaires débattent de la qualité du buffet et ou des promotions à la boutique de souvenirs. Les passagers qui tentent d’alerter sont ignorés ou raillés.

Ce n’est pas bien de se moquer, mais d’eux, on peut. C’est bon de rire parfois.

La comparaison s’arrête là. L’avenir n’est pas encore écrit même si cent secondes, c’est peu. Ce qui est sûr, c’est qu’aucun navire ne viendra, personne ne colmatera la brèche, l’eau sera profonde et glaciale pour tout le monde.

Il y a quand même une bonne nouvelle : le réchauffement climatique n’est pas notre iceberg. Il n’est pas une menace imminente. Ouf… Bien avant lui, l’extinction de la biodiversité rendra les conditions de vie sur Terre extrêmement difficiles. Nos enfants nous le diront parce que ça n’aura pas lieu dans cent ans. En effet, il faut être très occupé pour ne pas voir, ni savoir, que partout (c’est-à-dire loin, mais aussi juste devant chez nous) la faune disparaît, les océans se vident (tout en se remplissant de déchets), les espaces naturels sont bétonnés ou affectés à l’élevage, les insectes disparaissent de nos pare-brises, les oiseaux de nos forêts et de nos haies (quand il reste des haies).

La fin de la biodiversité n’est pas juste un changement de décor. Elle affecte profondément les écosystèmes, réduisant leur capacité à capter des ressources, produire de la biomasse, renouveler notre patrimoine écologique. Surtout, le réchauffement du climat et la disparition de la vie ne sont pas une hypothèse. C’est un fait scientifique. Discute-t-on de la rotondité de la Terre ? Il n’a pas fallu attendre le programme spatial pour voir qu’elle était ronde, Ératosthène l’avait démontré 2200 ans plus tôt, calculant sa circonférence avec pour seuls instruments, un bâton et un chameau.

D’ailleurs, appelons un chameau un chameau : la vie ne disparaît pas, elle est anéantie par l’espèce humaine pour en exploiter les ressources. En sept mois, nous consommons ce que la Terre produit en un an. Non seulement cette surexploitation ne ralentit pas, mais elle accélère. La vie est en chute libre partout. Ces 40 dernières années, 420 millions d’oiseaux ont été abattus en Europe, 80% des insectes volants ont disparu. Au niveau mondial, 60% des animaux sauvages et 90% des grands poissons d’eau douce ont été exterminés, un million d’espèces sont menacées, mille milliards d’animaux marins meurent chaque année. Depuis 1900, les humains ont causé la mort de 85% de tous les autres êtres vivants. En France où l’équivalent de trois départements de surfaces naturelles disparaissent chaque décennie et l’usage de pesticides ne cesse d’augmenter (+21% en 2018), le ministre de la FNSEA a créé une milice destinée à surveiller les opposants à l’agriculture chimique. Il l’a appelée DEMETER, comme le label Bio. C’est bon de rire parfois.

L’ONU évoque une menace existentielle pour l’Humanité et prévoit 700 millions de réfugiés d’ici… trente ans ! Quand on voit comment l’Europe gère quelques naufragés en Méditerranée.

Le réchauffement du climat et la disparition rapide de la vie sont des faits scientifiques avérés, jamais contredits par qui ni quoi que ce soit de sérieux. La science n’a pas d’avis, elle dit les choses. La planète est en train de devenir hostile. Alors on fait quoi ? On continue à regarder ailleurs ?

Nous verrons ça le mois prochain… peut-être !

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