La transition écologique

EXTRAIT DU MAG DE DÉCEMBRE 2022Auteur Fred PORCEL

Il y a quelques semaines, dans le TGV vers Paris que j’ai emprunté des centaines de fois depuis mon entrée à la SNCF, je réalisai que les paysages que je connaissais par cœur avaient de bonnes chances de disparaître.

DISPARAÎTRE, RIEN QUE ÇA
À petit feu, c’est le cas de le dire, si les décideurs ne prennent pas à temps les mesures nécessaires pour ralentir le réchauffement du climat. Ou beaucoup plus vite, si les dictateurs du 21e siècle continuent à vouloir surpasser leurs prédécesseurs. Que des hommes, vous aviez remarqué ? L’histoire n’a pas retenu de dictatrices. Peut-être Catherine de Russie, déjà, qui reste toutefois une pâle copie de ses homologues masculins. Le féminin pour « tyran » n’existe pas. Quand j’entends parler de compétences et de méritocratie, comment dire…

Grâce à eux, il flotte en cette fin d’année comme un parfum de fin du monde. Pas au sens strict, encore que. Je pense à celui que j’ai connu, où l’avenir était prometteur, enviable, meilleur. Même le président s’y est mis, annonçant la fin de l’insouciance, de l’abondance. Bla bla bla… Pour les citoyens, c’est sûr. Pour ses sponsors, ça l’est moins : grâce à lui et ses clones libéraux, ils n’ont jamais été aussi riches, le monde est à leur service.

Côté climat, la Terre, bonne fille, ne lance pas toutes ses forces dans la bataille. Elle prévient, multiplie les ouragans surpuissants, les sécheresses interminables, brûle deux millions d’hectares ici, trois là, inonde un pays, teste de nouveaux virus, efface l’Arctique de nos cartes… avant de se calmer pour revenir plus fort, plus tard. On ne pourra pas dire qu’on n’a pas été prévenus.

LES DÉCIDEURS DÉCIDENT, ENFIN…
Heureusement, imitant les écologistes qui depuis 30 ans relaient les recommandations du GIEC, les politiques semblent avoir enfin compris que protéger l’environnement est une bonne idée. Compris ? J’en doute. C’est plus probablement parce que leurs sponsors transfèrent leurs sources de profits vers du renouvelable, qu’il faut maintenant promouvoir pour passer à la caisse.

Pour ça, Homo Conso doit changer ses habitudes. Ça ne devrait pas être trop difficile. Après tout, il n’est pas anti écolo : le réchauffement climatique, l’effondrement de la biodiversité, la montée des océans, bien sûr que ça le préoccupe. Même le retour du fascisme et la guerre en Ukraine. Mais après le resto avec ses copains, sa prime de fin d’année, ses vacances, son abonnement à Netflix, le contrôle technique de sa voiture, l’IPhone 14, sa story Insta, les promos sur Lastminute, la coupe du monde de foot, les soldes chez Zara, le mariage de Nabilla, les vidéos TikTok, son RV chez le dentiste, où il a laissé ses clés, le forfait 5G de B-and-You et enfin, qu’est-ce qu’on mange ce soir ?

N’IMPORTE QUOI POURVU QUE ÇA MOUSSE
C’est sûr qu’avec un programme pareil, être écolo, c’est compliqué. Du coup, il ne retient que ce qui l’arrange, même si c’est n’importe quoi, pourvu que ça lui confirme qu’il doit surtout ne rien faire. Les voitures électriques ? Nan, ça pollue un max, en fait. Ah, le GIEC les recommande depuis vingt ans mais lui, il sait mieux que le GIEC. Arrêter l’avion ? Nan, ça sert à rien, les vols sont planifiés à l’année, que je monte dedans ou pas. C’est sûr. Mais à 80% de remplissage, ils ne sont plus rentables et les compagnies les suppriment. En attendant l’arrivée d’avions moins polluants, si on visitait l’Europe en train ? Nan c’est nul, y’a rien à voir. Ah, pourtant 800 millions de touristes y viennent chaque année. Arrêter la viande ? Nan, c’est pas mon steak qui va changer grand-chose. Pourtant le GIEC, encore lui, pointe l’impact catastrophique de cette industrie sur le climat et l’environnement, si on cessait de la financer ? Nan, les mesures individuelles ça sert à rien, ce sont les gouvernements qui doivent agir. Comprendre : surtout pas lui. Pourtant au final, chaque citoyen devra changer son propre mode de vie, il faut attendre que des lois nous disent de faire ce qu’on sait déjà ? Exactement !

N’importe quoi pourvu que ça justifie son égoïsme, parce qu’il ne peut pas avouer que le climat, la nature, la planète, l’avenir (des autres), comment dire… Il en parle, par contre, affectant de se soucier d’environnement, d’égalité, de partage, de mixité, jugeant en expert ce que les villes, les gouvernements, les entreprises, les autres, devraient faire. Tout en participant les yeux fermés à un système obsédé par la croissance, dirigé par 90% d’hommes blancs, où personne ne s’applique la moindre des vertus qu’il prétend défendre.

Heureusement, Homo Conso ne décide de rien. Ce sont… les décideurs qui s’en chargent. Et ils s’y mettent : 600 milliards pour la transition en Europe, 350 aux USA pour l’instant qui s’ajoutent aux précédents et à une flopée de nouvelles règlementations. Chaque jour ou presque, des mesures locales, nationales, internationales, incitatives ou coercitives, encouragent ou obligent Homo Conso à changer. Il croit qu’il a le choix, mais non : les villes se ferment aux thermiques, le réseau électrique impose la sobriété, les ressources se font rares. Finies l’abondance et l’insouciance, le 1% chasse désormais la poule aux œufs verts.

Alors Homo Conso filera droit. Bien sûr, il attendra le dernier moment, fera comme s’il n’avait pas entendu, pour profiter encore un peu du monde d’avant. Que les autres passent devant, j’arrive ! Il est comme ça. Difficile de lui en vouloir, les décideurs ont attendu 50 ans pour écouter la science.

ET LE TRAIN DANS TOUT ÇA ?
Pour le transport de marchandises, les camions électriques sortent des gigafactories, leur carburant est dix fois moins cher que le fioul et ne cessera de baisser quand la crise sera passée, les chauffeurs risquent fort d’être Ubérisés, voire supprimés, la digitalisation permettra d’optimiser chaque seconde de trajet et les finances publiques n’y mettront pas un sou. Avec un concurrent pareil, comment dire…

Pour les transports de voyageurs, le GIEC recommande de les développer massivement en complément de mobilités individuelles décarbonées. Ça coûte cher. Il faudra se battre pour qu’ils aient droit à une part des milliers de milliards qui seront mis sur la table. D’ailleurs, la SNCF a enfin entendu l’UNSA-Ferroviaire(1) et va mettre en place le Forfait mobilités durables, c’est une excellente nouvelle !

En attendant, pour 2023, promettre de perdre cinq kilos et d’arrêter de fumer, c’est bien. Diviser par quatre son bilan carbone, ce serait tellement plus durable.

 

Vos questions ou réactions à : lemag@unsa-ferroviaire.org


1 – Dossier porté par l’UNSA-Ferroviaire dès 2015 sous l’impulsion de Laurent Fauviau, alors secrétaire fédéral.