La lecture du jugement qui vient d’être rendu dans le cadre du procès de l’accident ferroviaire de Brétigny nous a replongés dans un état de perplexité qui nous faisait écrire, en mai 2022, à la sortie d’une audience du tribunal d’Evry :
« Chaque jour, la mise en place à marche forcée de Maintenir demain et les appels à l’aide de collègues de la maintenance dont le poste est supprimé, le quotidien chamboulé… répondent en écho aux débats qui se tiennent à la barre et nous ramènent en arrière… Peut-on espérer un jour que la pression économique et financière cesse d’être la boussole unique de nos dirigeants ? »
Dans les conclusions que l’UNSA-Ferroviaire a rendues en tant que partie civile au procès, nous écrivions également :
« Plus grave, quel que soit le jugement rendu dans cette affaire, les causes-racines (…) ne seront pas traitées ou remises en cause. Le futur du système ferroviaire voulu par les dirigeants politiques repose sur l’ouverture à la concurrence, qui elle-même repose sur deux piliers :
Ce projet porte un nom : « Maintenir demain » (…) Son but est de supprimer les DPX et de créer des unités mixtes (…).
Ce sont les chefs de brigades (équipes) qui vont assurer le management des équipes sans posséder toutes les habilitations que possédaient les DPX. Ils vont se retrouver isolés car sans « chef » de proximité (DPX). Les dirigeants d’unités seront trop éloignés pour assurer le pilotage du quotidien. »
Or il y a, entre autres, deux enseignements à tirer du jugement rendu mercredi 26 octobre :
"Outre que le BEA-TT a procédé à une reconstitution de la tournée afin de pouvoir juger de sa qualité, il n’est pas possible d’affirmer que (le DPX) n’a pas observé la TJD 6/9. Il a observé, notamment, la conformité du dispositif électricité. Par conséquent, eu égard au degré de précision des annotations qu’il a effectuées ce jour-là, il aurait noté, relevé et consigné une boulonnerie absente si tel avait été le cas.
Enfin et comme évoqué dans la partie sur le désassemblage des éclisses, il n'est pas prouvé que le boulon qui occupait le trou n° 3 ait été effectivement absent le 4 juillet 2013. Et même dans l'hypothèse où ce boulon aurait été manquant, cette absence n'était pas suffisante, en elle-même, pour provoquer un déséclissage. Au surplus, ne pas relever cette éventuelle absence ne constituerait qu'une faute simple qui n'engagerait pas la responsabilité pénale de la personne physique. En conséquence, en l'absence d'élément probant et de faute caractérisée établie, (le DPX) sera renvoyé des fins de la poursuite."
Après avoir été entendu en qualité de témoin assisté en janvier 2016, rappelons que le DPX a été mis en examen le 9 janvier 2019. Depuis cette date, c’est donc un homme qui avait le jour de l’accident 24 ans, 22 mois d’ancienneté SNCF et… 5 mois sur le poste de DPX Voie de Brétigny, qui a personnifié “la SNCF”, son incurie, son complotisme, son j’menfoutisme… aux yeux des victimes, de la presse, de l’opinion publique… C’est lui, toujours, qui a vécu pendant huit semaines à Evry, partageant avec les parties civiles, les victimes, leurs avocats… les mêmes lieux (tribunal, hôtel, restaurant…) et subissant les regards de tous.
Or quand on voit avec quelle “rapidité” le procureur a requis sa relaxe en juin, quand on lit avec quelle netteté son innocence est reconnue par le jugement, on ne peut qu’être choqué par ce qu’il vient de vivre et estomaqué qu’aucun autre dirigeant de l’Infra de l’époque n’ait eu à répondre de ce drame. Et de s’interroger : à qui le tour ?
Un rappel tout d’abord : pour retenir la culpabilité de la personne morale SNCF, le jugement a dû "établir si les négligences commises résultaient de l'action ou de l'inaction d'un organe ou d'un représentant de la société prévenue, éventuellement détenteur d'une délégation de pouvoir en matière de sécurité de nature à lui conférer la qualité de représentant de la personne morale. »
Or, après avoir rappelé qu’il était « patent que les agents de voie qui n'ont pas procédé au suivi du cœur n°11301, simples salariés et non titulaires d'une quelconque délégation de pouvoir, n'ont pas la qualité de représentants de la SNCF », que dit le jugement ?
(...)
(...)
(...)
(...)
(...)
(...)
Autrement dit, la responsabilité de la personne morale SNCF ne repose pas sur le DPX... mais sur le DUO ! Si l’on est monté d'un étage, on n'est quand même pas bien haut dans la structure pyramidale de SNCF Réseau...
Et l'on peut supputer à loisir : si l’enquête judiciaire n’avait pas rattrapé par le col, en l'inculpant à la dernière minute, le DPX mais plutôt le DUO, celui-ci n’aurait-il pas été condamné ?
Dès lors et au risque de se répéter, il faut rappeler ce que prévoit "Maintenir demain" :
Par Bertrand Declercq,
Expert fédéral juridique
TOUS SNCF - Notre lettre à l'encadrement
Classifications & Rémunérations - le vrai du faux
FACILITES DE CIRCULATION - LA VERITE S'IMPOSE
ddULATIONIRCULATION